Écrits

 

 

 

 

 

ENTRETIENS

avec Monique FLOSI

 

Texte de Raymond Jean, écrivain

 

 

La gravure de Monique FLOSI

 

Une sensibilité "à fleur de cuivre", comme on dirait pour d'autres "à fleur de peau". FLOSI n'ignore d'ailleurs pas les secrets de la surface de la peau : nuances du grain, nervures, branches, réseaux. Mais elle connaît aussi les réseaux du cuivre. De sa main de graveur (de graveuse, pour saluer ce féminin inaugural), elle les met à nu, les creuse, les fait crier. Du burin et du brunissoir, de la résine et de l'acide, elle fait sortir des algues bleu-perle, des oiseaux, des strélizias, d'étranges mésanges humaines. Lignes onduleuses, spirales, courbes qui pourraient être rassurantes... Mais le fantastique, avec ses becs, ses griffes, ses cornes, est caché partout dans ces pièges, comme dans les dessins des vieux maîtres du genre. Couleurs et formes en fête, mais jamais innocentes. Taille-douce, pas si douce... Art sûr de lui-même et de ses cheminements.

 

 

 

Changer le Monde ?

Exposition «changer le monde», Cavaillon (84), 1996.

(peinture grand format)

 

Monique FLOSI rassure par la richesse des couleurs et des formes. Et pourtant Monique FLOSI inquiète. Voudrait-elle nous dire que changer le monde est une entreprise ambiguë, elle ne s'y prendrait pas mieux. Chez elle la vie ne s'oppose pas à la mort, l'homme (ou la femme) à l'animal. On dirait même que l'animalité se cache un peu partout dans ses toiles, tantôt déguisée, tantôt dénudée. Et l'être humain s'y fait toujours un peu mythologique, maléfique même. De même, abondante et fleurie, la végétation y paraît toujours vaguement vénéneuse. Cela vient-il des violets, des bleus, des rouges, des ocres ? En tout cas, une transmutation permanente s'opère, qui fait cohabiter dans un monde inconnu, ou à venir, les licornes et les cygnes, les chevaux et les félins, les centaures et les oiseaux - dont on ne sait jamais tout à fait s'ils sont pacifiques ou rapaces. L'homme y tient du cerf, la femme de la sirène.

L'envers et l'endroit, le haut et le bas se conjuguent. Ainsi, sans doute, que le bien et le mal. Quel programme dans cette fête de la sorcellerie des corps et des décors !

 

 

 

Exposition «poussières d’étoiles»

Aix-en-Provence (13), 2005.

(peinture grand format)

 

Pour Monique Flosi, la danse ce n'est pas seulement le déploiement des bras, des jambes, des corps dans l'espace, c'est aussi l'éparpillement des molécules stellaires qui nous composent dans le cosmos. Oui, poussières d'étoiles ! Tel est le sens des peintures de belles couleurs pastels qu'elle nous propose, accompagnées de gravures où s'inscrit le délié du corps dansant. Libération d'une énergie secrète dans un mouvement tourbillonnant. Résonance de cette énergie, du figuratif à l'abstrait. Pour avoir travaillé avec Monique, des vibrations des Ocres aux palpitations de l'Animale, je sais à quel point toute son œuvre peinte est traversée par la phrase de Rabindranath Tagore : "Le même fleuve de vie qui court jour et nuit à travers mes veines court à travers le monde". La danse, ici, est emportée par ce fleuve.

Novembre 2004